En novembre 2024, Messieurs Laurent Duplomb et Franck Menonville, sénateurs, mais aussi agriculteurs de leurs états viennent de déposer un projet de loi qui prendra vite le nom de « Loi Duplomb ». Cette loi censée faciliter le travail des agriculteurs se révèle, entr’autres, comme une remise en question du travail des agents de l’Office Français de la Biodiversité.
Pendant ce temps, Zoé Aucaigne et Lorraine Gublin, journalistes de France Info rédigent un article sur la situation de cet établissement public. Le titre de l’article est très évocateur : « L’Office français de la biodiversité, cette police de l’environnement qui perd du terrain face au monde agricole »[1]. On y apprend que les agents de l’OFB ont un « sentiment d’abandon » par les autorités et d’hostilité d’une partie des agriculteurs.
Pourtant, les besoins en matière de police de l’environnement sont de plus en plus importants. Ne faut-il pas augmenter le nombre d’agents chargés de la police administrative et de la police judiciaire de l’environnement pour permettre aux élus locaux d’assurer leurs missions ?
D’un malaise à l’autre, la règle doit être la priorité
La situation que décrivent les journalistes de France info montre d’une façon très abrupte les différents types de harcèlements que subissent les inspecteurs de l’environnement et leurs familles. Cela va des accès aux bureaux entravés par des bâches portant des inscriptions parfois insultantes, des dépôts de fumier ou encore des maisons privées taguées. Cela a conduit l’OFB à déposer une cinquantaine de plaintes au niveau national.
Cela me rappelle un échange avec un conseiller régional des Hauts de France qui me faisait part du cas particulier d’un agent de l’OFB insultant les paysans de dealer. Certes, l’insulte n’est pas normale, c’est vrai. Mais quand on remet ces propos dans le contexte, on se rend compte dès lors de l’exaspération des agents de l’OFB.
Cela se passe le 22 janvier 2025 (quelques mois après le reportage des journalistes de France info) sur le site audois de l’Office français de la biodiversité (OFB) qui vient d’être pris pour cible à Trèbes, près de Carcassonne.
Voici les propos tenus par l’agent public au micro de France Inter : « C’est du même ordre que si les dealers demandaient aux policiers de ne plus venir dans les cités »[2], a-t-il pesté sur les ondes de la radio publique. Il exprimait alors son sentiment de ne plus être le bienvenu sur certaines exploitations agricoles.
J’ai demandé au conseiller régional en question si, nous-mêmes, étions certains de ne pas sortir de nos gongs quand les journées ne sont que harcèlement et désobligeance à l’égard de la profession que l’on exerce ?
Je pense d’ailleurs que certains responsables politiques devraient prendre la mesure de leurs propos ou de leurs agissements à l’égard de l’OFB comme ceux tenus par Monsieur Fabrice Pannekoucke et Monsieur Laurent Wauquier[3], entre autre ami de Monsieur Duplomb, altiligérien lui-même, ancien maire de Saint-Paulien. On peut également citer le simulacre d’arrestation de Monsieur Damien Meslot [4], maire de Belfort le 1er février dernier par des militants de la FDSEA 90 déguisés en agents de l’OFB devant la mairie de Belfort. Voilà un petit jeu qui n’est pas digne d’un représentant de la République.
On pourrait également évoquer le saccage du bureau de Dominique Voynet, alors Ministre de l’Environnement, le 8 février 1999 à l’instigation de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) du Loiret, de l’Eure-et-Loir, de l’Oise, du Loir-et-Cher et d’Ile-de-France.
On peut aussi rappeler les exactions des agriculteurs lors des manifestations de ces dernières années arrosant allégrement de lisier où envahissant les préfectures ou encore les services des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL).
On peut enfin s’attarder sur les dernières attaques à l’encontre des députés comme Delphine Batho parce qu’elle militait contre la Loi Duplomb (permanence parlementaire à Melle, survenu le mardi 22 juillet 2025).
La transition écologique est un peu comme de la poudre explosive, non ? Rechercher les délinquants et les punir calmerait peut-être le « jeu », non ?
D’un projet de loi cherchant à faciliter un secteur économique essentiel pour les français, Messieurs Laurent Duplomb, Franck Ménonville, sénateurs porteurs de la Loi Duplomb, Monsieur Arnaud Rousseau, patron d’un syndicat largement contributeur du texte et Madame Annie Genevard, Ministre en charge de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ont montré une volonté un peu particulière à l’égard de l’intérêt général pour répondre à la gronde des agriculteurs.
Le projet de loi a cherché à mettre en place certains mécanismes venant contrarier durablement la régulation et la bonne gestion règlementaire d’une activité importante de notre société française.
En effet, comment a-t-on pu proposer la remise en cause des missions de police – administrative et judiciaire de l’environnement – au prétexte de harcèlement ou de port d’armes.
Comme j’ai pu le dire à plusieurs personnes lorsque je discutais de cette loi, notre système républicain est doté d’un certain nombre d’outils qu’il nous faut respecter. Quand des pratiques, des règles, ou encore des intérêts particuliers évidents viennent perturber le bon fonctionnement de notre société, alors il faut apporter des modifications pour rétablir de la fluidité. Visiblement la Loi Duplomb n’était pas dans cet esprit.
L’OFB est un des rouages importants de ces outils dont nous devons défendre coûte que coûte son indépendance et ses missions dans le respect des règles établies par nos institutions. On doit également lui permettre de remplir ses missions avec la plus grande efficacité.
La violence n’a jamais été le terreau de l’Avenir. L’acquis qui en est issu n’est qu’éphémère et le mal qui en résulte devient souvent permanent. C’est en substance ce que disait Gandhi dans un de ses écrits.
Créé de la fusion de l’Agence française pour la biodiversité et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage par la LOI n° 2019-773 du 24 juillet 2019[5], l’Office Français de la Biodiversité (OFB) ne limite pas ses missions à la seule police de l’environnement. Il contribue, s’agissant des milieux terrestres, aquatiques et marins, à la surveillance, à la préservation, à la gestion et à la restauration de la biodiversité ainsi qu’à la gestion équilibrée et durable de l’eau en coordination avec la politique nationale de lutte contre le réchauffement climatique.[6]
Cela signifie qu’il a un rôle de développement de la connaissance ; d’expertise et d’assistance en matière d’évaluation de l’Etat ; de soutien à ce dernier pour l’élaboration de la stratégie nationale pour la biodiversité et le suivi de sa mise en œuvre ; de contribution à la lutte contre la biopiraterie ; … ; mais aussi de la formation, notamment en matière de police de l’environnement. C’est dire si l’OFB est important et n’agit pas au hasard de ses envies.
Aussi, en Novembre 2024, Laurent Duplomb et Franck Menonville le disent sans détour dans l’exposé des motifs de leur dépôt de loi « Lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » : « Le titre IV entend apaiser les relations entre l’Office français de la biodiversité (OFB) et les agriculteurs, ce dans le but de favoriser l’acceptabilité de la police environnementale au sein du monde agricole. » On sent bien ici le besoin de lever une crispation des agriculteurs à l’égard de la règle en demandant au délégué territorial de l’OFB (comprenez le préfet de département[7]) « d’inviter l’office à privilégier la procédure administrative, pour éviter autant que faire se peut des procédures judiciaires – ces dernières ayant pu être jugées infamantes, alors que les peines finalement prononcées sont équivalentes à celles de la voie administrative, dès lors que les faits poursuivis relèvent d’une primo-infraction ou d’une infraction ayant causé un faible préjudice environnemental. »
Voilà un argument que l’on aurait du mal à faire entendre en cas d’infraction au code la route, dès lors que l’on se fait contrôler en infraction pour la première fois. Pourtant, c’est bien une volonté relayée par la ministre de l’Agriculture Annie Genevard qui a annoncé le 31 octobre 2024 la mise en place d’un contrôle administratif annuel unique sous autorité du préfet[8]. Ajoutons à cela cette frustration supplémentaire exprimée par Sylvain Michel, représentant syndical CGT à l’OFB : « « …On nous demandait de ne pas nous montrer, ne pas prendre des véhicules siglés, ne pas porter d’uniforme… »[9]
Il y a parfois, chez certains citoyens, fussent-ils responsables politiques, des envies de légiférer, de juger, d’évaluer et de mettre en œuvre en fonction de leurs regards sur ce qu’ils veulent voir appliquer sans passer par la case « décision démocratique de la Nation ».
Heureusement, nous n’en sommes plus au temps des seigneurs de l’ancien régime. La démocratie républicaine est passée par là et les privilèges ont été abolis. L’indépendance de la police, comme celle de la justice sont des valeurs sur lesquelles on ne peut transiger même s’il a fallu attendre le 13 décembre 2023 pour qu’un décret soit consacré à la « coordination en matière de politique de l’eau et de la nature et de lutte contre les atteintes environnementales[10] ».
Aujourd’hui, on ne peut se permettre de voir la police de l’environnement autrement qu’encadrée et exécutée ’au sein de l’OFB sous la coordination du préfet de département organisation de la police administrative au sein d’une mission interservices de l’eau et de la nature autour du préfet (article 1) et mission judiciaire au sein d’un comité opérationnel de lutte contre la délinquance environnementale autour d’un ou plusieurs procureurs de la Républiques compétents (article 2).
C’est en ce sens que depuis le 12 août 2025, promulgation de la loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, les agents de l’OFB apportent leur « contribution sous l’autorité du représentant de l’Etat dans le département, à l’exercice des missions de police administrative et contribution, sous la direction du procureur de la République, à l’exercice des missions de police judiciaire relatives à l’eau, aux espaces naturels, aux espèces, à la chasse et à la pêche ainsi que des missions de police sanitaire en lien avec la faune sauvage »[11]
Le code de l’environnement précise également que « le représentant de l’Etat, … assure, en tant que délégué territorial de l’office, la cohérence de l’exercice des missions de police administrative de l’eau et de l’environnement de l’office dans les territoires relevant de son ressort avec les actions des autres services et établissements publics de l’Etat, notamment en approuvant la programmation annuelle des contrôles réalisés dans le cadre de ces missions. »
« Priorité aux sanctions administratives » . Est-ce bien raisonnable ?
Il est normal, en effet, que l’OFB rende des comptes régulièrement sur ces missions de police administrative au préfet. La parole de l’Etat est primordiale pour assurer sa continuité au sein des territoires et de la population. C’est le rôle des préfets d’en assurer la cohérence[12]. L’équilibre républicain et démocratique reste établi.
Quant aux traitements de police judiciaire, la loi du 12 août 2025 prévoit que les agents de l’OFB contribuent aux travaux des procureurs de la République. Dès lors, on peut penser que l’indépendance de la justice continue d’être bien assurée. Ceci n’était pas évident à la lecture de plusieurs interviews de responsables, on peut penser que cela n’était pas aussi simple à faire accepter.
C’était le cas en Haute Loire, fief de Monsieur laurent Duplomb, où la pratique ne semblait pas aussi limpide. L’OFB y regrette que les procédures d’infractions pénales relevées dans le milieu agricole se terminent par un simple courrier d’avertissement. Mais le sénateur, porteur de la loi, estimait que : « Le préfet de la Haute-Loire a repris les choses en main pour éviter que les dossiers ne s’accumulent sur le bureau de la procureure. »[13]
Cette dernière semble reconnaître un problème d’absorption des contentieux judiciaires. Elle indiquerait que la procédure administrative peut être une bonne solution.
Le préfet en question avait demandé à la direction départementale des territoires (DDT), service préfectoral en charge de la mise en œuvre des politiques d’aménagement et de développement durables des territoires, d’être le seul interlocuteur de l’OFB. De fait l’OFB n’a plus, dès lors, d’accès direct au parquet en cas d’infraction judiciaire.
Ces constats relatés par Zoé Aucaigne et Lorraine Gublin de France Info corroborent la volonté de Monsieur DUPLOMB traduite dans l’exposé des motifs de son projet de loi (paragraphe consacré à l’article 6)[14] de voir la police de l’environnement se restreindre à une seule police de procédure administrative. Etonnante réaction de la part de Monsieur Duplomb qui semble vouloir ignorer la séparation des pouvoirs pour mieux asseoir sa vision de la simplification des décisions publiques et rejoindre le rapport d’information du sénateur Jean Bacci[15]
Finalement le projet de loi Duplomb n’est que le reflet d’une demande de longue date des syndicats agricoles traduit en octobre 2024 par Annie Genevard par la mise en place d’un contrôle unique sous l’autorité du préfet regroupant l’ensemble des contrôles (Agence de services et de paiement, les agences de l’eau ou encore les contrôles administratifs de l’Office français de la biodiversité ou de la politique agricole commune (PAC))[16]. Toutefois, les contrôles fiscaux, ceux liés aux arrêtés sécheresse ou aux procédures judiciaires n’étaient pas concernés par cette décision.
Au final, sur cette question du rôle et du fonctionnement de l’OFB en matière de la police de l’environnement, et notamment de police judiciaire, les parlementaires n’ont pas sourcillé un instant et ils se sont mis d’accord dès l’adoption par le Sénat de la proposition de loi déposée le mardi 28 janvier 2025 et c’est tant mieux.
Ceci est d’autant plus justifié que depuis le 17 mars 2023, date du Décret n° 2023-187[17] portant adaptation du code de procédure pénale à la création des officiers judiciaires de l’environnement, l’OFB s’est vu renforcé par les premières nominations.
C’est l’article 28-3 du code de procédure pénale[18] qui prévoit cette disposition après que les inspecteurs de l’environnement aient passé un concours et disposé des même pouvoirs que les officiers de police judiciaire.
La préparation au concours d’officier de police judiciaire de la biodiversité passe d’abord par une année de formation assurée par l’OFB et la Gendarmerie[19] au sein du Commandement pour l’environnement et la santé (CESAN)[20].
Celle-ci nécessite une expertise pointue par une formation sur-mesure assurée par la Direction Générale de l’Alimentation (DGAL), l’Office National des Forêts (ONF), la Direction Générale de la Prévention des Risques (DGPR),et la Direction Générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature (DGALN).
Pour les personnes ayant été reçues au concours, « une demande d’habilitation est adressée, sur proposition du directeur général de l’Office français de la biodiversité, au procureur général près la cour d’appel dans le ressort de laquelle se situe le siège du service de rattachement de l’officier judiciaire de l’environnement.
Les officiers judiciaires de l’environnement ne peuvent exercer effectivement les attributions attachées à cette qualité ni se prévaloir de cette dernière que s’ils sont affectés à un emploi comportant cet exercice et en vertu d’une décision du procureur général près la cour d’appel les y habilitant personnellement. Tout changement d’affectation entraîne la caducité de cette habilitation. »[21]
Nous n’avons donc pas à faire à des personnes incompétentes comme peuvent le prétendre ou laisser croire certaines personnes du milieu agricole et même politique.
En effet, peut-on raisonnablement, comme le prétend Denis Plat, journaliste de « Chroniques cynégétiques »[22], « s’interroger quant à l’objectivité de certains agents qui confondent parfois leurs missions et leur engagement idéologique. » ? Est-il opportun de remettre en cause les habilitations d’un procureur général ? Peut-on mettre en doute le management du directeur général de l’OFB au travers des appréciations générales circonstanciées décrites par l’article R. 15-33-29-29. décret n° 2023-187 du 17 mars 2023 portant adaptation du code de procédure pénale à la création des officiers judiciaires de l’environnement ?
Cette question d’objectivité, c’est également mettre en doute le cadre d’animation des services autour de la police de l’environnement défini par le Décret n° 2023-876 du 13 septembre 2023[23].
En réalité, il ne semble pas utile de remettre en question la pertinence du travail des inspecteurs de l’environnement.
Le décret en question a créé dans chaque département deux structures dénommées « mission inter-services de l’eau et de la nature » (MISEN) et « comité de lutte contre la délinquance environnementale » (COLDEN) ayant pour objet de coordonner les actions menées en matière de politique de l’eau, de la nature et de lutte contre les atteintes à l’environnement.
Placée sous la présidence du préfet de département, la MISEN détermine les priorités en matière de politique de l’eau, des milieux aquatiques et de la nature et organise l’action des services et établissements publics en conséquence. Elle est composée de représentants des services déconcentrés et des établissements publics de l’Etat compétents dans les domaines de l’eau et de la nature. Le ou les procureurs de la République territorialement compétents sont associés à ses travaux, notamment à l’élaboration du projet de plan de contrôle inter-services annuel pour l’eau et la nature.
Le COLDEN, quant à lui, assure la coordination de l’action judiciaire avec l’action administrative ainsi que des réponses administratives et pénales qui sont apportées aux atteintes à l’environnement. Il est présidé par le ou les procureurs de la République compétents.
Réuni chaque fois que nécessaire et au moins deux fois par an, il est composé du préfet de département, des représentants des services de l’Etat, des établissements publics de l’Etat compétents en matière de lutte contre les atteintes à l’environnement et des services de police judiciaire concernés par les procédures.
Le procureur de la République est également membre des comités situés sur son ressort.
Les membres permanents de la MISEN et ceux du COLDEN se réunissent conjointement tous les ans sous la présidence conjointe du préfet de département et du ou des procureurs de la République territorialement compétents.
Ils dressent un état des lieux des atteintes à l’environnement constaté l’année précédente et établissent un bilan des suites apportées aux procédures administratives et judiciaires en la matière. Ils valident le projet de plan de contrôle inter-services de la police de l’eau et de la nature et définissent des axes prioritaires dans les actions de lutte contre les atteintes environnementales. Enfin, ils communiquent de manière adaptée sur les actions menées.
Finalement, ce décret finalise l’organisation du contrôle de la réglementation dont on retrouve les premières traces en 1993 avec la création des premières MISEN dans le département du Haut Rhin ou encore en 1996 dans le département du Cher.
Par ailleurs, la loi du 11 août 2025 validée par le Conseil Constitutionnel[24] a apporté par son article 6, un complément au code de l’environnement par l’ajout d’un article L.174-3. Comme pour la police nationale et la gendarmerie, les agents de l’Office National de la Biodiversité sont désormais dotés de caméras.
Ils pourront ainsi, après publication d’un décret prévu à cet effet : « procéder en tous lieux, au moyen de caméras individuelles, à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l’intervention ou au comportement des personnes concernées. »[25]
Pour clore ce chapitre de remise en question du respect de la loi par le milieu syndical agricole et relayé par Messieurs Laurent Duplomb, Franck Ménonville, sénateurs ; Monsieur Arnaud Rousseau, FNSEA et Madame Annie Genevard, Ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire de la France, force est de constater que le législateur a privilégié le respect de la loi et bien évidemment celui de la Constitution.
Non seulement, il a renforcé la sécurité des agents de l’OFB face aux risques de menaces et il a redit les conditions d’application de la police de l’environnement déjà édictées auparavant. De nouvelles améliorations notables de contrôle dont il faudra bien admettre de respecter et qui devraient installer durablement la reconnaissance de l’Office National de la Biodiversité pour ce qui concerne sa contribution « à l’exercice des polices administrative et judiciaire relatives à l’eau (pollution de la ressource, atteinte aux zones humides ou littoral), aux espaces naturels, à la flore et la faune sauvage (espèces gibier ou protégées, lutte contre les trafics d’espèces), à la chasse (contre-braconnage, renforcement de la sécurité à la chasse) et à la pêche. » au travers de son rôle majeur dans la mise en œuvre du dispositif « Eviter, Réduire, Compenser »[26].
Comme le précise le site de l’OFB, « cette organisation est unique en Europe. Ses agents sont les interlocuteurs des parquets, de la police, de la gendarmerie, des douanes ou encore de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique. » C’est ici un petit plus qualitatif français qui mériterait bien de trouver une place plus importante au niveau européen.
La confiance à porter à l’OFB est d’autant plus importante que les représentants de son conseil d’administration[27] assure une garantie de représentativité des parties prenantes œuvrant dans le champ de la biodiversité. On y retrouve à la fois les représentants de l’Etat, les représentants des territoires dont les collectivités territoriales, les représentants des secteurs économiques concernés, dont les organisations professionnelles agricoles et forestières, les associations de protection de l’environnement, les gestionnaires d’espaces naturels, les représentants du personnel de l’Office et des parlementaires, dont un ancien ministre de l’Agriculture de ces toutes dernières années qui a su garder raison face à cette loi.
En conséquence, les protagonistes originels de cette Loi Duplomb peuvent être rassurés, les missions de l’OFB ont été bien structurées autour des meilleures conditions réglementaires qu’elles soient aujourd’hui.
Chacun d’entre eux peut constater que seules des applications rigoureuses des règlements ne sont prises qu’au travers d’une application stricte des lois de notre République.
Il ne peut donc y avoir « de jugement infamant » comme le suggèrent Messieurs Duplomb et Menonville quand les lois sont connues, respectées et appliquées. Les doutes émis sur le travail de ces agents ont parfois un goût douteux quant au respect de la loi.
Un réel besoin de renforcement de la police de l’environnement pour plus de justice environnementale et sociale
L’OFB, compte 1700 inspecteurs de l’environnement sur les 3000 agents qui le composent. Ils sont destinés à contrôler le respect des règles environnementales, à prévenir ou faire cesser les atteintes à l’environnement et à rechercher les auteurs des infractions les plus lourdes dans le cadre des procédures liées aux infractions au code de l’environnement, au code forestier, au code rural et de la pêche maritime ainsi qu’au code de procédure pénale.
On est loin des dénonciations de ce maire agriculteur de Rilly sur Vienne[28] qui dit avoir vu débarquer 50 agents dans son entreprise de courges le lundi 14 octobre 2024 au matin.
Les forces de l’ordre étaient présentes. Il y avait donc très certainement un problème pour lesquels les inspecteurs de l’environnement étaient concernés, mais de là à dire qu’ils étaient 50, il y a sans doute une marge. Les inspecteurs de l’environnement ne sont pas les seuls à venir contrôler. Comme nous l’avons vu plus haut, on peut également y ajouter l’inspection du travail, la mutualité agricole, l’Agence de service et de paiement, …
A titre d’information et selon le site de l’OFB , chaque année, les agents de l’OFB réalisent environ 20 000 contrôles. Ces opérations représentent près des 2/3 de l’activité en matière de police dont les opérations de contrôles sont programmées dans le cadre des plans de contrôle annuels. Ils portent principalement sur : La police de la chasse (31 %) ; La préservation des milieux aquatiques (16 %) ; La qualité de l’eau (16 %).
En 2021, les catégories d’usagers contrôlés se répartissent de la façon suivante : Particuliers : 44 % (8637 contrôles) ; Agriculteurs : 19 % (3644 contrôles) ; Collectivités : 10 % (1787 contrôles) ; Entreprises : 11 % (1946 contrôles) ; Propriétaires et multi usagers : 6 % (1082 contrôles). Au vu du nombre d’exploitations en France (430 800 exploitants en 2021 ), cela correspond à 0,84% des exploitations contrôlées .
L’OFB signale sur son site officiel qu’ « en 2021, 40,5 % des contrôles étaient programmés, 22,3 % étaient réalisés suite à un signalement. 34,4 % sont le résultat d’une constatation en flagrance. 58 % des contrôles ont abouti au constat d’un manquement au respect des obligations réglementaires (police administrative) ou au constat d’une infraction (police judiciaire : procès-verbal, avertissement judiciaire ou timbre amende).
Chaque année, les inspecteurs de l’environnement réalisent environ 5 900 enquêtes judiciaires et 3 600 timbres amendes. Ils portent principalement sur des atteintes à la réglementation espèces protégées, chasse et qualité de l’eau. »
A la lecture de l’ensemble de ces données, on est loin du harcèlement dénoncé par les syndicats agricoles ou encore certains exploitants.
De son côté, sur sa page Interstats Analyse du 22 mai 2022 , le ministère de l’Intérieur signale que « les services de police et de gendarmerie nationales ont enregistré 31 400 délits ou contraventions à l’environnement , un nombre en augmentation de 7 % par rapport à 2016 (soit +1,3 % en moyenne par an)… De par leur nature, contrairement à la majorité des autres formes de délinquance, la moitié des infractions environnementales sont commises dans des communes rurales, soit un taux de 9,3 infractions pour 10 000 habitants (contre 4,5 au niveau national). »
Côté entreprises et industries classées à risques (Seveso pour les plus connues, ce sont les inspecteurs des installations classées qui interviennent
Est-ce pour cela que Messieurs Duplomb et Menonville voulaient diminuer les pouvoirs de l’OFB en matière de police de l’environnement ?
Pourquoi existe-t-il une telle animosité à l’égard de cet office ? On comprend qu’à la structuration plus consistante de la mise en place de nouvelles règles, c’est parfois difficile pour certains à accepter. D’ailleurs, pourquoi cet agacement chez certains professionnels agricoles ne se reporte-t-il pas dans d’autres domaines où le respect de la loi est tout aussi rigoureux.
Que deviendrait notre pays si on en faisait autant avec la Gendarmerie et la Police, voire, avec les Inspecteurs des Installations Classées, ou encore avec la police maritime ou la police ferroviaire, voire les inspecteurs du travail ?
La prise en compte de la protection de l’environnement est de plus en plus prégnante tant pour la biodiversité que pour les mesures à prendre en matière de réchauffement climatique ou encore les pollutions désormais connues comme les décharges sauvages, le bruit, la pollution de l’air et de l’eau.
Concernant ce dernier volet et à titre d’exemple, on peut évoquer la pollution de l’eau des 9 et 10 avril 2020 que l’on a connue pour l’Escaut (en France, mais aussi en Belgique) lors d’un déversement de matières organiques et de fermentescibles d’un des bassins de décantation de la sucrerie TEREOS d’Escaudœuvres dans le Nord. Suite à une négligence de défaut d’entretien, le groupe Tereos a été condamné par le tribunal de Lille à une amende de 500 000 euros et 9 millions d’euros de dommages et intérêts.[29]
Au-delà du sujet traité, depuis cette sucrerie a fermé, mais on ne pourra pas dire que c’est dû à l’interdiction de l’acétamipride.
Pour ceux qui connaissent un peu l’histoire environnementale, la circulaire du 12 novembre 2010 relative à l’organisation et la pratique du contrôle par les services et établissements chargés de mission de police de l’eau et de la nature signée de Jean-Louis Borloo alors ministre d’État, chargé en autres de l’écologie et du développement durable et de Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat chargée de l’écologie, rappelait que : « la pratique des contrôles par les services et établissements chargés de mission de police de l’eau et de la nature est indispensable pour assurer l’efficacité des politiques de gestion de la ressource en eau et de préservation de la biodiversité. La présente circulaire vise à consolider les pratiques en définissant les modalités d’une politique de contrôle ciblée sur les enjeux et orientée vers la résorption des situations non conformes à la réglementation. Elle doit également permettre à la France de rendre compte à la Commission européenne de son action en la matière. »[30].
Certes, c’était au temps du Grenelle de l’Environnement et nous sommes en 2010. Pourtant à cette époque, la Cour des comptes n’y allait pas par « quatre chemins ». Elle pointait : « dans le cadre d’un référé adressé au Premier ministre à l’été 2009, l’insuffisance des sanctions prises à l’encontre des auteurs de pollution du fait du faible nombre de procès-verbaux dressés par les services de l’État et des suites insuffisantes données par les parquets. Elle a formulé deux recommandations, visant à :
– accentuer la répression des infractions en matière de pollution des eaux et plus globalement d’atteintes aux milieux aquatiques : les services doivent davantage utiliser les pouvoirs de sanctions dont ils disposent ;
– améliorer le suivi des procès-verbaux et des sanctions administratives et judiciaires, en particulier pour être en capacité de rendre compte de l’action de contrôle à la Commission européenne. »
Pour ces raisons, sommes-nous sûrs aujourd’hui de l’efficacité des capacités des inspecteurs de l’environnement à agir ? Sommes-nous sûrs qu’il faille relâcher l’attention portée sur ce qui a été engagée en matière de protection de l’environnement ? En réalité, nous sommes confrontés à une tâche de plus en plus importante à laquelle nous allons devoir répondre dans les meilleurs délais si l’on ne veut pas alourdir le travail des responsables futurs ; si on ne veut pas devoir réparer de nouveaux dégâts environnementaux ; si l’on veut s’engager réellement dans la transition écologique.
Autant dire des missions qui apparaissent comme difficilement surmontables au vu du nombre d’agents disponibles sur le territoire national (métropole et outremers compris), soit 0,05 inspecteur par commune, et ce, quelle que soit la commune et le territoire considéré.
En zone rurale, il y a heureusement, la Gendarmerie qui veille aussi à ce que le code de l’environnement soit respecté, mais leur travail de sécurité de la population (sécurité routière – traitements des plaintes – résolutions des méfaits parfois très graves – …) ne facilitent pas leurs tâches.
En réalité, leurs missions en matière de protection de l’environnement sont souvent, à leurs yeux, insatisfaisantes dans les résultats. En zone urbaine, il en est de même pour la Police Nationale.
Ces derniers temps ont fait surgir des problèmes environnementaux que les maires, mais aussi les présidents de communauté de communes, vont devoir gérer de plus en plus souvent : Pollution de l’eau, décharges sauvages, défaut dans le tri sélectif, atteinte aux espaces naturels, non-respect des zones littorales, braconnage, pêche interdite, destruction de sites classés ou d’espèces protégées, bruit, pollution atmosphérique ou encore protection de la population au regard des règles de chasse, … Bien évidemment, il y a également la gestion des risques climatiques dont on voit chaque jour toujours plus d’insécurité à éviter (adaptation).
Autant de sujets environnementaux qui touchent à la sécurité locale ; autant de problèmes à résoudre ; autant de responsabilités juridiques à assumer ; mais aussi autant de risques d’agressions pour les édiles.
Certes, on sait bien que pour certains, pas très sourcilleux à l’égard de la protection de l’environnement, ce sont là des aléas dont on peut prendre le temps avant de trouver une solution.
En réalité, comment un maire, en particulier dans les zones rurales, peut-il contribuer à une gestion plus sécurisante et plus sereine en matière de problèmes environnementaux quand certains outils, certaines règles, lui échappent et qu’il ne connait pas toutes les clés.
Autant d’incidents et d’anomalies, voire de méfaits auxquels les maires vont être de plus en plus confrontés mais pour lesquels ils n’ont pas toujours de réponses (moyens directs ou méconnaissance des règles).
Sommes-nous certains qu’il n’y ait pas un besoin d’augmenter le nombre d’agents chargés de la police judiciaire de l’environnement ? Nous l’avons vu, les capacités à agir des responsables de la police de l’environnement parlent d’eux-mêmes pour que l’on étudie sérieusement le sujet.
Pour répondre aux difficultés rencontrées par les élus locaux et rendre plus efficace la police de l’environnement, on pourrait imaginer qu’aux 1700 inspecteurs de l’environnement, on ouvre ces spécialités aux agents de la police municipale comme cela se fait en Nouvelle Calédonie[31].
C’est ici, un sujet important pour la gestion traditionnelle des édiles de nos 34 000 communes, mais aussi un regard moderne à imaginer pour celles et ceux qui gèrent le quotidien des français avec plus ou moins de stress selon que l’on habite dans des territoires calmes et tranquilles ou dans des banlieues plus ou moins agitées.
La police de l’environnement peut être ici une voie d’évolution de l’efficacité du traitement du bien écologique et social. Elle permettrait très certainement de monter d’un cran dans la protection de la santé et de la protection environnementale.
[1] Zoé Aucaigne et Lorraine Gublin – France Info – 18 novembre 2024 – L’Office français de la biodiversité, cette police de l’environnement qui perd du terrain face au monde agricole
[2] Agriculteurs comparés à « des dealers » : les tensions entre syndicats d’agriculteurs et l’Office de la biodiversité continuent de s’aggraver
[3] Reporterre. Net : Courrier en date du 7février 2025 de Monsieur Fabrice Pannekoucke, président de la Région Auvergne- Rhône- Alpes et Laurent Wauquiez, Conseiller Spécial de la Région Auvergne – Rhône – Alpes
[4] https://www.francebleu.fr/infos/societe/les-agriculteurs-de-la-fdsea-organise-une-action-symbolique-le-maire-de-belfort-est-arrete-5349734
[5] LOI n° 2019-773 du 24 juillet 2019
[6] Article L131-9 du Code l’Environnement
[7] LOI n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale
[8] Le gouvernement annonce « un contrôle administratif unique » sur les exploitations agricoles
[9] Zoé Aucaigne et Lorraine Gublin – France Info – 18 novembre 2024 – L’Office français de la biodiversité, cette police de l’environnement qui perd du terrain face au monde agricole – 18 novembre 2024
[10] Décret n° 2023-876 du 13 septembre 2023 relatif à la coordination en matière de politique de l’eau et de la nature et de lutte contre les atteintes environnementales
[11] Code de l’Environnement – Section 2 : Office français de la biodiversité (Articles L131-8 à L131-17) – modifié par la loi du 11 août 2025
[12] Décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’Etat dans les régions et départements
[13] Zoé Aucaigne et Lorraine Gublin – France Info – 18 novembre 2024 – L’Office français de la biodiversité, cette police de l’environnement qui perd du terrain face au monde agricole – 18 novembre 2024
[14] https://www.senat.fr/leg/exposes-des-motifs/ppl24-108-expose.html
[15] l’office français de la biodiversité, un capitaine qui doit jouer. Plus collectif
[16] Le Monde – 31 ocobre 2024 – Le gouvernement annonce « un contrôle administratif unique » sur les exploitations agricoles
[17] Décret n° 2023-187 du 17 mars 2023 portant adaptation du code de procédure pénale à la création des officiers judiciaires de l’environnement
[18] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042751075
[19] Formation des administrations compétentes en matière de lutte contre les atteintes en environnement
[20] CESAN : https://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/notre-institution/notre-organisation/le-commandement-pour-l-environnement-et-la-sante-cesan
[21] Article R15-33-29-24 du Code de procédure pénale
[22] Denis Plat – Chroniques cynégétiques – Actualités chasse, Controverses, Ruralité –
Les premiers officiers judiciaires de l’environnement nommés à l’OFB – 5 novembre 2024
[23] Ibid. Décret n° 2023-876 du 13 septembre 2023
[24] Loi du 11 août 2025 visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur
[25] Article L. 174-3.-I. du code de l’Environnement
[26] « Eviter, Réduire, Compenser »
[27] Conseil d’administration de l’OFB
[28] https://www.lanouvellerepublique.fr/indre-et-loire/commune/rilly-sur-vienne/en-indre-et-loire-ce-maire-agriculteur-controle-par-50-agents-menace-de-demissionner
[29] L’Action Agricole Picarde – Vincent Fermon – 19 janvier 1923 – Pollution de l’Escaut : une «négligence» à 9,5 millions d’euros pour Tereos
[30] https://www.hauts-de-france.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/circulaire_12_novembre_2010.pdf
[31] LOI n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique – article 93 et code de l’Environnement – article L614-1-1