La priorité, c’est l’avenir que l’on donne aux sinistrés et à la population. Il y a le quotidien à gérer en urgence, certes, et il y a les caps à donner pour la suite.
Car même si la dimension d’évacuation des eaux est, aujourd’hui, dimensionnée pour répondre à des aléas pluvieux que nous avons connus jusqu’ici, certains élus se contentent de limiter les causes des inondations aux seuls problèmes de curage de fossés et de gestion des watergangs, voire de canaux. Pourtant, cela ne suffira pas même s’il est vrai que l’Etat, les régions, les départements, les communautés de communes, les syndicats de gestion vont devoir revoir les politiques traditionnelles pour permettre une adaptation suffisante.
La priorité, c’est d’ores et déjà prendre en compte les dimensions grandissantes des changements climatiques et d’en mesurer les impératifs qui s’imposent désormais à nous.
Comme le dit le sociologue Jean Viard : « si tout le monde ne se dit pas : je suis responsable, on ne va pas y arriver »
Les coups de godets, les accusations, les coups de gueule ou encore le bon sens populaire des uns et des autres ne suffiront pas à résoudre des phénomènes exceptionnels qui vont, malheureusement, devenir monnaie courante. Les inondations de novembre et de janvier nous montrent à quel point nous rentrons dans un cycle de perturbations liées aux changements climatiques (phénomènes aléatoires, plus puissants, plus nombreux et ce quelles que soient les périodes de l’année).
Non ce n’est pas le bon sens populaire qui permettra de gérer ces nouveaux phénomènes. Nous devons faire confiance aux techniciens des syndicats de gestion de l’eau, à leurs savoir-faire et à leurs études techniques. Le traitement d’une inondation de ruissellement en haut de vallée (curage et nettoyage des fossés) ne peut pas être la solution pour les bas de vallée, surtout quand les terres sont gorgées d’eau pendant plusieurs mois (Par exemple, l’implantation d’une zone d’expansion de crue (de préférence naturelle), si elle est proposée par les professionnels, doit être réalisée dans les délais qui respecte le réglementaire).
Au delà du fonds d’urgence de 50 millions d’euros annoncés par Christophe Béchu, des aides techniques doivent être organisées et apportées aux communes subissant ces phénomènes. On doit faire en sorte que les habitants puissent rester dans leurs habitations.
Les Régions et les départements doivent, d’ores et déjà, budgétiser des investissements conséquents en relais et complément des investissements de l’Etat et de l’Europe, dans le cadre d’un véritable plan de bataille contre le réchauffement climatique et d’une prise en compte réelle des premières mesures d’adaptation à mettre en place.
Il nous paraît important de procéder à une révision conséquente des Plans de Prévention des Risques Inondations (PPRI). Les zones rouges (interdiction de bâtir) doivent être rappelées aux responsables des territoires et nous devons veiller à ce qu’elles soient respectées. Certaines zones bleues (constructions autorisées sous conditions) doivent être réétudiées pour certaines et sans doute être classées en zones rouges.
Nous devons proposer des plans locaux de sauvegarde inondations. Des aides à la prévention contre les inondations doivent être mises en place par les institutions.
Les projets d’urbanisme doivent prendre en compte les phénomènes d’imperméabilisation.
Les ZAN (voir rubrique « C’est à lire ») sont indispensables et nous devons renforcer et respecter la loi Climat et résilience du 22 août 2021. Les responsables politiques doivent, aujourd’hui, s’attacher à respecter la loi et la mettre en œuvre dans leurs territoires. Par exemple, en généralisant les parkings alvéolés et en les imposant aux zones commerciales.
On doit également réinvestir les friches industrielles et agricoles même si le coût de dépollution est conséquent, plutôt que d’en rester à l’abandon et de leur préférer de nouvelles constructions. On doit également pouvoir renaturaliser les tronçons de route abandonnés ou inutilisés
Pour compléter ce propos, ajoutons que la désartificialisation permet aussi aux sols de « respirer » et donc de « revivre ». Ce qui leur permet de remplir à nouveau leur fonction de séquestration du carbone.
Il est important de refaçonner nos paysages pour respecter réellement les espaces agricoles et les espaces naturels (investissement dans la réimplantation des haies, notamment dans les territoires ruraux les plus sensibles.
Quant aux milieux agricoles, il est grand temps de mettre en place des pratiques connues et proposées par l’INRA depuis les années 80 pour le labourage , notamment sur les terrains pentus. Il est grand temps de développer les méthodes conduisant à la transition agro-écologique et alimentaire pour répondre aux enjeux environnementaux et la méthode « 4 pour 1000 » pour permettre le stockage du carbone dans le sol.
Les aides accordées doivent inclure des conditions liées à l’environnement, et aujourd’hui au climat (éco-conditionnalité des aides).
L’ensemble de ces premières mesures ne sont pas anodines pour répondre à l’attente contre les inondations et permettre de s’engager réellement dans l’atténuation du réchauffement climatique.
Nos élus et responsables politiques ont un rôle important et essentiel pour l’avenir. Il est évident qu’il va leur falloir beaucoup de courage, notamment celui de savoir dire non quand la prévention des risques est remise en question.
Alain Dubois
Président des Acteurs Régionaux
du Développement Durable
Comité 21