Loi Duplomb – Episode 4 : L’ANSES  – Le respect scientifique – une pétition à 2 millions de signataires

Dans les précédents articles, nous avons abordé l’indispensable respect de la Constitution, au travers du principe de précaution et fait ressortir les indispensables besoins de respect de l’indépendance du pouvoir de l’Office Français de la Biodiversité pour mieux assurer la police de l’environnement (administrative et judiciaire).

Cette fois, il s’agit du respect de l’indépendance scientifique de l’ANSES[1]  (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) alors que celle-ci est le plus grand établissement européen de sécurité sanitaire par sa compétence.

L’indépendance de la science est avant tout une garantie de l’attention portée sur la santé des êtres humains, mais aussi sur la préservation de son habitat naturel.

C’est en substance ce que les scientifiques et les médecins ont voulu dire au travers de leurs nombreuses réactions, écrits et manifestations.

Pour eux, il s’agit de donner la priorité à la santé face au risque de la dangerosité des pesticides qui n’est plus à démontrer, notamment pour la profession agricole.

Aux côtés des scientifiques et des médecins, les citoyens ont prévenu, eux également, de leur volonté de vivre  et de se nourrir sainement. Le droit à pétition malmené lors des débats par les partisans de la loi Duplomb a tout de même montré toute son efficacité, notamment pour ce qui concerne la tentative de réintroduction de l’acétamipride avortée.

Aujourd’hui, on sait que Monsieur Venteau, président du syndicat agricole « La Coordination Rurale » n’arrêtera le Bon Sens Sociétal.

L’ANSES : la plus grande agence de sécurité sanitaire en Europe

En visant la réhabilitation de l’acétamipride, les porteurs de la Loi Duplomb n’ont pas hésité à s’en prendre à l’indépendance scientifique de l’ANSES[2] (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail).

Pourtant cet établissement public à caractère administratif, placé sous la tutelle des ministères chargés de la santé, de l’agriculture, de l’environnement, du travail et de la consommation, a été créé le 1er juillet 2010[3] par la fusion de deux agences sanitaires françaises : l’AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) et l’AFSSET (Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail).

En 2020, l’ANSES rappelait lors de l’anniversaire de ses 10 ans que sa création conjuguait « … la garantie d’une expertise en santé publique indépendante et l’ouverture sur les préoccupations de la société civile face aux risques auxquels l’individu est exposé dans sa vie quotidienne…  De 2010 à 2020, les enjeux de sécurité sanitaire n’ont cessé de se renforcer et les missions de l’ANSES de s’étendre, confortant son rôle d’agence d’expertise scientifique de référence pour la décision publique. »[4]

Pour la petite histoire, l’AFSSA a été créée en 1999[5] à la suite de la « vache folle ». Sous tutelle des ministères de l’Agriculture, de la Santé et des consommateurs. Son rôle est alors défini pour évaluer la sécurité sanitaire des aliments sur l’ensemble de la chaîne alimentaire dans le but d’alerter les pouvoirs publics.

L’AFSSET, quant à elle, est issue de l’ordonnance 2005-1087 du 1er septembre 2005 et du décret N°2006-676 du 8 juin 2006[6] dont la mission est d’exercer une veille sur l’évolution des connaissances scientifiques dans les domaines de sa compétence et de définir, de mettre en œuvre, de soutenir ou de financer des programmes de recherche scientifique et technique.

Soit un regroupement de deux missions essentielles à la sécurité sanitaire et environnementale voulue pour garantir la sécurité sanitaire et environnementale.

En effet, l’ANSES[7] évalue les produits à tester au regard des nombreux risques  pouvant peser sur la santé humaine et sur l’environnement (alimentation – environnement – milieu professionnel – animaux – végétaux). Elle produit des connaissances sur la base de recherches en lien avec les communautés scientifiques françaises et internationales (protection de la santé humaine, animale et végétale). Elle surveille et alerte pour agir efficacement contre les maladies et expositions néfastes. Elle statue sur l’accord de délivrance ou de retrait des autorisations de mise sur le marché au travers des demandes d’autorisation de mise sur le marché (AMM) des médicaments vétérinaires[8], des produits phytopharmaceutiques, des matières fertilisantes et des biocides en France. Pour ce faire, elle évalue leur efficacité et les risques qu’ils représentent pour la santé humaine et les écosystèmes. La liste des produits phytopharmaceutiques et des matières fertilisantes et des supports de culture est publiée sur le site de l’ANSES[9].

Elle participe aux travaux des instances européennes et internationales, et y représente la France à la demande du Gouvernement, notamment dans le cadre du réseau de phytopharmacovigilance[10]. « … Ce dispositif unique en Europe permet de disposer de nombreuses données sur la présence de résidus de produits phytopharmaceutiques dans les milieux y compris les aliments, les expositions et leurs éventuels effets sur les êtres vivants et les écosystèmes… »

En termes de développement durable, le rôle de l’ANSES touche directement aux principes de développement durable établis par le rapport Brundtland de 1987[11] et confirmés par l’Agenda 2030, traité international signé par la France et 192 autres pays le 25 septembre 2015.

Cela signifie, selon l’Agenda 2030 que : « Notre développement doit s’inscrire sous le signe d’une conception nouvelle de la prospérité dont l’étymologie fait référence au bonheur plutôt qu’à la quantité. Ceci réclame une économie nouvelle fondée sur une sobriété juste, alliant le bien-être des populations, en leur assurant une vie saine et active, la préservation du climat, de la biodiversité, des océans et des ressources naturelles. Nous encouragerons les initiatives économiques, sociales et environnementales innovantes le permettant. »[12]

Aussi de nombreuses questions restent à travailler par les juristes « pour faire que les enjeux de santé environnementale offrent de justes et opportunes réponses au constat généralisé des atteintes à la santé humaine résultant des multiples dégradations de notre environnement[13] ».

Il est des souvenirs de la « Vache Folle » ou encore du « veau aux hormones » qui laissent des traces. Nul ne peut oublier ces épisodes d’errance dans des pratiques dangereuses.

L’ANSES, nous l’avons vu, dépend aussi des ministères de la santé, de l’environnement, et du travail. Apparemment, dans cette histoire de la loi Duplomb, ils ont été mis de côté. Alors, faut-il les passer, eux aussi, aux oubliettes pour assurer l’avenir agricole ?

En réalité, faut-il abroger l’indépendance de l’ANSES ? Dans ce cas pourquoi ne pas en faire de même pour toutes les agences indépendantes qui assurent, chaque jour, la garantie des produits méritant sécurité avant usage par la population, les entreprises ou les commerces et ce quelles que soient les conséquences économiques ? N’est-ce pas aux entreprises de garantir la sécurité sanitaire et environnementale de leurs productions ? Le principe de précaution doit s’appliquer strictement surtout si les informations manquent sur l’effet d’une pollution.

Je rejoins ici les propos de Monsieur Stéphane Le Foll, en tant que Ministre de l’Agriculture de l’Agroalimentaire et de la Forêt, lors de son audition par la commission des affaires économiques concernant le projet de loi d’Avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt le 13 décembre 2013.

« … Je tiens évidemment à souligner le transfert à l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) des missions relatives à la délivrance des autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits phytopharmaceutiques et des matières fertilisantes, transfert qui permettra de clarifier la relation entre la direction générale de l’alimentation (DGAL) du ministère de l’agriculture et l’ANSES. Si les grands choix en matière de molécules doivent demeurer sous responsabilité ministérielle, l’utilisation des produits doit être confiée à l’ANSES… »[14]

Gardons-nous comme le dit Laurence Colonna- Cesari, pharmacienne environnementaliste d’imiter ce qui se passe aux Etats Unis où « On commence à taper sur les institutions qui sont là pour protéger la santé humaine et la biodiversité, comme l’Anses, mais aussi l’OFB, l’Office français de la biodiversité … »[15]

Avec l’Anses, la France s’est dotée de la plus grande agence de sécurité sanitaire en Europe par son champ de compétence. C’est pourquoi l’indépendance de cette agence de sécurité comme celle des autres agences du même type doit être garantie. C’est un impératif !

Le décret de l’irrespect

Indépendance de l’ANSES, peut-être ! Reste que le gouvernement de Monsieur Bayrou ne le voyait pas ainsi.

Deux jours après le vote de la loi Duplomb contestée alors par plus d’1 200 000 citoyens[16] et soumis à la décision du Conseil Constitutionnel, Madame Annie Genevard, Ministre de l’Agriculture a pris d’autorité le parti de publier par voie règlementaire[17] le Décret no 2025-629 paru le 10 juillet 2025[18] portant diverses dispositions relatives à l’autorisation des produits phytopharmaceutiques, traduit dans le code rural et de la pêche maritime par l’article R253-5-1[19].

C’est alors une levée de boucliers tant dans les associations de protection de l’environnement qu’au sein de l’Assemblée Nationale.

Daniel Salmon, sénateur d’Ille et Vilaine EELV, réagit de la sorte : «Pendant l’examen de la proposition de loi Duplomb, tout le monde a jugé que c’était trop dangereux d’agir ainsi. Il y a eu quelques accords en commission mixte paritaire. En fin de compte, dix jours après, le gouvernement décide de publier ce décret. C’est une contradiction notoire de la ministre »[20]

« Comment doit-on comprendre cette provocation alors que le Parlement vient de refuser cette disposition » interpelle Corinne Lepage dans La Lettre du Droit de l’Environnement N°12 de juillet 2025[21] ?

On peut considérer ce texte comme un décret de l’irrespect pour nos institutions. Il a été travaillé depuis des mois [22] en parallèle de la loi Duplomb. Le ministère de l’Agriculture pousse même le processus par une période de consultation entre le 18 mai et le 8 juin 2015 alors que les débats sur la loi Duplomb sont en train de se dérouler à l’Assemblée Nationale[23].

Lors de sa publication, on voit que rien n’est laissé au hasard pour parvenir aux fins de mise sous tutelle de l’ANSES. Il est, en effet, précisé que « ce texte entre en vigueur le lendemain de sa publication ». C’est dire si le ministère de l’Agriculture tient à reprendre cet organisme en main.

Lorsque Madame Genevard pense que « l’opposition entre environnement et agriculture est une impasse »[24], elle ne met pas cette question sur de bons rails en agissant de la sorte même s’il s’agit là de l’extension des industries d’élevage. La question de l’indépendance de l’ANSES est dans la même veine.

Au lendemain de la publication de ce décret réglementaire, Arnaud Gossement[25], avocat spécialiste de l’environnement, décrypte, dans un texte[26], son importance à la suite de la loi Duplomb,  rectifiée par la suite par le Conseil Constitutionnel.

L’avocat spécialisé dans l’environnement y indique que le projet de loi en question tendait à vouloir mettre le directeur de l’ANSES sous la coupe d’une instruction prioritaire du Ministre de l’Agriculture pour une instruction de certaines demandes d’autorisation avec un regard bienveillant.

Arnaud Gossement considère que si l’expression « usage prioritaire » n’est plus reprise, il s’agit bien « de définir des usages considérés comme prioritaires puisque dépourvues de toute alternative. Et donc de créer une forme de présomption d’intérêt général au bénéfice des produits phytopharmaceutiques qui y correspondent … »

En conséquence, l’ANSES et son directeur se trouvent, tant « … sur le plan politique que sur le plan administratif, sous le risque, non pas d’être obligé mais fortement encouragé … à instruire » … en priorité ou avec bienveillance… « une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique… »

Juridiquement Arnaud Gossement soulève le risque de « …conséquences sur la légalité d’une décision de refus en créant une double obligation de motivation à la charge du directeur de l’Agence… ».

En définitif, le décret « … oblige le directeur de l’ANSES, non pas à autoriser mais à motiver avec soin son éventuelle décision de refus d’autorisation au regard de l’arrêté du ministre de l’agriculture sur la liste des usages. ». Il l’oblige également « … à se justifier quant à la date de sa décision en expliquant comment il aura « tenu compte » de l’arrêté du ministre de l’agriculture sur la liste des usages. »

Pour conclure, Arnaud Gossement confirme que «  sans priver directement le directeur de l’ANSES de son pouvoir d’autorisation de mise sur le marché, le Gouvernement vient de réduire son indépendance d’analyse en créant, par la voie de cette nouvelle procédure, une possibilité de pression exercée par le ministre de l’agriculture. Certes, l’ANSES est un établissement public administratif mais rappelons que la loi (cf. article L.1313-1 du code de la santé publique) garantit l’indépendance de l’expertise de cette dernière. »

C’est pour cela que Madame Corinne Lepage[27] et l’Association Agir pour l’Environnement[28] vont plus loin. Ils ont déposé un recours auprès du Conseil d’Etat[29]et [30] qui dénonce :

– L’incompétence du gouvernement pour prendre une disposition qui ne pouvait intervenir que par la voix législative

Rappelons que cette disposition prise par ce décret avait été refusé par le Parlement lors du vote de la Loi Duplomb), notamment lors des travaux de la commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale qui a décidé de supprimer toutes les dispositions pouvant conduire à une ingérence dans les travaux de l’Anses, y compris cette mention à la priorisation de ses travaux.

– La privation de pouvoirs des ministres de l’environnement et de la santé puisqu’ils n’ont pas à intervenir sur la fixation de la Liste, alors même que le décret intervient sur la base d’une disposition législative du code de la santé publique et que l’Anses est sous la triple tutelle des trois ministères.

– La méconnaissance flagrante de l’article 31 du règlement du 11/07/2009 qui n’a jamais permis d’élaborer une telle liste, mais qui est simplement destiné à protéger les consommateurs et les riverains dans l’utilisation des pesticides

– La violation du principe de précaution, totalement écarté au bénéfice des besoins des Agriculteurs.

– La violation du principe de prévention, deux principes qui figurent dans la Constitution.

– La violation du principe de non-régression en ce qui constitue une atteinte évidente à l’indépendance de l’Anses et la possibilité de faire prévaloir sur les critères de santé environnementaux, des critères purement agronomiques.

En réalité, ce décret de l’irrespect ne devrait pas trouver de continuité par décision réglementaire après les décisions du législateur. Il doit tout simplement être remis en cause car il contrevient à l’esprit de l’Etat de droit et au respect de la décision parlementaire lors du vote de la Loi Duplomb au travers des propositions de la commission mixte paritaire.

Pour Stéphen Kerckhove, directeur général d’Agir pour l’environnement, « la brutalité de ce décret est tout à la fois de forme et de fond. En remettant en cause l’indépendance de l’ANSES via un décret, le gouvernement tente de réintroduire par la fenêtre réglementaire ce que les députés ont exclu par la grande porte de la loi. »

En matière sanitaire, nous l’avons vu, depuis le 1er juillet 2010, l’ANSES «  permet d’appréhender de manière globale les expositions auxquelles l’Homme peut être soumis à tous les âges et moments de sa vie : travail, domicile, déplacements, loisirs »[31].

Si c’est bien ce que nous souhaitons, nous avons, dans les pays développés, de nombreux outils qui permettent de mieux maîtriser les avancées technologiques et les inventions. Ne nous en privons pas. Ils nous préservent de plus en plus de risques non maitrisés pouvant conduire à des catastrophes. N’en rajoutons pas sous prétexte d’innovation. Les recherches doivent pouvoir avancer, mais elles doivent inclure en permanence le principe de précaution[32]. L’intelligence sociétale est sans doute là.

Médecins, scientifiques , associations de patients : même combat !

Au-delà de cette décision, c’est aussi, une remise en cause de l’indépendance de la science et de la médecine.

 Ceci est d’autant plus inacceptable qu’il s’agit ici de laisser notre santé entre les mains du seul business et des lobbies sous caution du Ministère de l’Agriculture alors que le risque sanitaire est bel et bien posé.

Même si son propos portait sur la biodiversité et l’effondrement de la forêt, Marc-André Selosse, pose les bases d’un regard sur l’Avenir en termes de connaissance, de savoir, de prévention et de décision : « Mon souhait , c’est que demain, les avis scientifiques ne soient pas consultatifs. Le sont-ils en médecine ? L’écologie, c’est la médecine des générations de demain… et ce n’est pas consultatif, non, non. »

Malheureusement c’est impératif, même si on fait quelques erreurs, ça vaut mieux que l’opinion ou l’intérêt immédiats de certains qui ont plus intérêt à continuer le business qu’à s’occuper de nos enfants. Nos enfants en fait, c’est le seul truc qui est important là… »[33]

Comme pour la médecine, aujourd’hui, les avis de l’ANSES doivent être obligatoires et ne faire l’objet d’aucune dépendance d’un pouvoir politique qui décide de ce qui doit être traité ou d’être sous le contrôle d’un conseil d’orientation agricole. C’est ici un principe de précaution et de prévention garantissant l’amélioration de notre avenir, de notre bien-être et surtout de notre santé et de l’indispensable protection de l’environnement.

C’est en quelque sorte ce que 1279 médecins, chercheurs et scientifiques ont souhaité rappeler par lettre ouverte [34] et [35] datée du 14 avril 2025 , aux ministères de tutelle de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire). Nous nous trouvons à l’époque deux mois avant le vote de la loi Duplomb.

Pierre-Michel Périnaud, Médecin généraliste, Président d’Alerte des médecins sur les pesticides, Sylvie Nony, Historienne des Sciences, Vice-Présidente d’Alerte Pesticides Haute-Gironde, Florence Volaire, Chercheuse INRAE en écologie, représentants de près de 1300 médecins, chercheurs et scientifiques y interpellent les autorités sur l’évaluation de la toxicité des pesticides et dénoncent les risques majeurs que cette proposition de loi ferait peser, de fait, sur la santé publique, l’environnement et l’indépendance de l’expertise scientifique, ce n’est pas rien !

Notons que la page d’accueil du site de l’association « Alerte des Médecins sur Les Pesticides »[36] fait apparaître cette citation : « Tout  travail scientifique est susceptible d’être bouleversé ou modifié par l’avancée des connaissances. Cela ne nous donne pas pour autant la liberté d’ignorer les connaissances dont nous disposons déjà, ni de retarder  les mesures qu’elles semblent réclamer à un moment donné » (Sir Bradford HILL 1965[37]).

Ils y rappellent que « les impacts des pesticides sur la santé et les écosystèmes sont largement documentés par des études scientifiques (INSERM en 2021 et INRAE en2022) » et « pourtant, les procédures d’évaluation des pesticides restent dépendantes des données fournies par les industriels, sans contre-expertise suffisante. Les effets cocktails des formulations commerciales et leur toxicité chronique ne sont pas suffisamment étudiés, malgré les exigences du règlement européen 1107/2009 ». C’est ici pour eux et du fait de constats de plusieurs dysfonctionnements, un point essentiel qui doit renforcer « le rôle de l’ANSES comme agence scientifique indépendante».

Ces dysfonctionnements ont, à leurs yeux, « pour première conséquence un risque accru pour les agricultrices et agriculteurs de lymphomes non hodgkiniens (LNH), de myélomes, de cancers de la prostate, de maladie de Parkinson et d’atteintes au neurodéveloppement », effets tout à fait contraires au principe de précaution et au règlement européen qui « impose de ne délivrer aucune autorisation de mise sur le marché́ en cas de risque pour la santé humaine ou la biodiversité́. »

Pour eux, La proposition de loi Duplomb aggraverait cette situation, si elle était votée, en affaiblissant le rôle de l’ANSES au profit d’un « Conseil d’orientation pour la protection des cultures », dominé par des représentants de l’industrie et des syndicats agricoles et remettant en cause le cadre déontologique, les règles de transparence et d’indépendance vis à vis des intérêts privés. Ce conseil pourrait imposer des priorités d’usage des pesticides sans considération suffisante pour les risques sanitaires et environnementaux.

Enfin, ils attendent des réponses aux questions suivantes :

  • allez-vous enfin garantir une véritable médecine préventive ainsi qu’un suivi effectif en santé au travail pour l’ensemble des travailleurs agricoles y compris les travailleurs précaires ?
  • quand rendrez-vous automatique la communication en temps réel des produits épandus à la parcelle vers une base de données accessible aux chercheurs ?
  • comment allez-vous faire respecter la nécessaire prise en compte des études réalisées par les équipes universitaires indépendantes en complément des tests d’évaluation réglementaire des industriels ?
  • quand la France exigera-t-elle que l’étude de la toxicité chronique des formulations complètes de chaque produit et de leur effet cocktail soit systématiquement réalisée avant autorisation de mise sur le marché, comme le prévoit le règlement 1107/2009  ?

Au final, et surtout pour ce qui concerne l’acétamipride, de nombreuses études scientifiques montrent son caractère néfaste pour la santé publique et les pollinisateurs.

Notons par ailleurs, que le 29 juillet 2025, une tribune est publiée dans le journal « Le Monde »[38] par des sociétés savantes et des associations de patients[39]. On y apprend dans un article relayé par  France 24[40] que parmi les 53 personnalités auditionnées au Sénat, on ne trouve « aucun médecin, toxicologue, épidémiologiste », « représentant de l’Inserm, du CNRS, du ministère de la Santé ou du Travail » alors que « les pesticides sont des facteurs reconnus de maladies professionnelles », ni « de la Caisse nationale d’assurance-maladie ou de la Mutualité sociale agricole. » Heureusement, « les représentants de syndicats agricoles, du lobby des pesticides, de certaines agences de l’Etat (dont l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation) ou établissements publics à caractère scientifique ou technologique (dont l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), d’associations de défense de l’environnement » y sont représentés.

Cela conduit de nombreuses associations de Santé / Environnement, mais aussi une majorité de médecins, chercheurs et autres experts dont l’Ordre des médecins ou encore la Ligue contre le cancer et enfin le CNRS à s’opposer à cette loi.

Heureusement, les députés, suppriment par amendement cette nouvelle vision de la mission de l’ANSES et la mise en place du « comité des solutions d’appui à la protection des cultures ».

Par ailleurs, les signataires s’alarment également à l’époque de la réautorisation envisagée de trois néonicotinoïdes (acétamipride, flupyradifurone et sulfoxaflor), pourtant reconnus comme extrêmement nocifs pour les pollinisateurs par l’EFSA et l’ANSES et menaçant à nouveau la biodiversité et la santé humaine. Idem, le Conseil Constitutionnel est passé par là pour rétablir l’importance du principe de précaution et ces trois pesticides ne font plus partie de la loi.

L’avis des scientifiques, des chercheurs et des médecins a sans doute permis de peser dans la balance.

Enfin, les signataires ont rappelé « que la seule manière de lever les contraintes au métier d’agriculteur c’est de développer les alternatives offertes par l’agroécologie dont les pratiques permettent de mobiliser l’écologie scientifique et de limiter les atteintes à la santé ». Pour eux,

« l’effondrement de la biodiversité́ et les impacts sur la santé des agriculteurs sont deux contraintes majeures auxquelles ne répond pas ce texte de loi. Nous pensons, qu’au lieu de brider l’expertise scientifique, il convient au contraire de lui permettre de relever ces défis. »

Ajoutons-y les effets du réchauffement climatique auxquels on va devoir se préparer et prendre des mesures d’inévitables adaptations.

Au final, les médecins et scientifiques, considérant ces exigences comme incontournables pour garantir le droit fondamental de chacun à vivre dans un environnement sain, ont demandé aux ministres concernés de :

  • Garantir l’indépendance de l’ANSES et de son expertise scientifique face aux pressions économiques et politiques.
  • Systématiser les études sur les effets cocktails et la toxicité chronique des pesticides avant leur mise sur le marché.
  • Mettre en place un suivi à la parcelle et en temps réel des épandages et de leurs impacts sanitaires.
  • Organiser une véritable médecine préventive et un suivi de la santé au travail de tous les travailleurs agricoles.

Même si certains médecins et scientifiques comme Jean-Paul Oury, docteur en histoire des sciences, et Jean-Philippe Vuillez, ex-médecin hospitalo-universitaire[41], dénoncent une certaine récupération de la science par la politique, d’autres responsables tout aussi scientifiques se préoccupent d’amener des suggestions et propositions pour permettre au politique d’avancer sans oublier les impératifs que nous imposent la science, la protection de la santé et de l’environnement.

Le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) va plus loin. Il rappelle son opposition et ses exigences quant à l’utilisation des pesticides[42].

Déplorant « l’écart persistant entre les connaissances scientifiques et les décisions réglementaires qui compromet l’application du principe de précaution » ; réaffirmant que « le doute n’est pas raisonnable lorsqu’il s’agit de substances susceptibles d’exposer la population à des risques majeurs : troubles neuro-développementaux, cancers pédiatriques, maladies chroniques.  » ; n’acceptant pas que « la compétitivité agricole et les distorsions de concurrence au sein de l’Union Européenne » puissent « servir d’arguments pour relâcher notre vigilance en matière de protection de la biodiversité et de santé humaine ».

Aussi, le CNOM ne s’arrête pas à des refus. Il souhaite que l’on avance dans la reconnaissance de la santé comme bien supérieur à toute décision économique. La santé, ça n’a pas de prix ! Il propose dans le cadre d’une réflexion structurée sur les liens entre santé et environnement, de mettre autour d’une table « des médecins de terrain, des experts scientifiques, des agriculteurs, des élus politiques et des représentants des usagers de la santé » afin de « faire de la santé environnementale un pilier de la politique de santé publique, et défendre la santé comme bien supérieur, dans toutes ses dimensions. »

Par ailleurs, dans une note « Mieux garantir la place de la science dans l’écriture de la loi »[43], Agnès Buzyn[44] et Mélanie Heard[45], s’interrogent sur les insuffisances institutionnelles qui ont rendu possible la promulgation d’une loi sans évaluation ex-ante de ses impacts sur la santé et l’environnement.

Ainsi, elles se sont penchées sur les réformes possibles de nature à mieux garantir la place de la science dans l’écriture de la loi. Il en ressort trois propositions :

  • Soumettre les propositions de loi (PPL) à une obligation d’étude d’impact. C’est une proposition que le Haut Conseil du Climat avait déjà proposé en 2019 dans le cadre des évaluations des lois en cohérence avec les ambitions climatiques. Agnès Buzyn  et Mélanie Heard rappellent également, qu’« en 2014, la mission d’information sur la simplification législative de l’Assemblée nationale avait constaté que l’absence d’étude d’impact sur les propositions de loi constituait une lacune majeure »[46].
  • Mettre l’expertise publique au service du Parlement par la création d’un « pôle d’expertise constitué dans le cadre d’un conventionnement entre l’exécutif et les deux assemblées dans le respect de la séparation des pouvoirs[47] » sous l’égide du Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan, organisme d’évaluation et de prospective rattaché à Matignon ». Celui-ci mobiliserait « sur demande du Parlement, des centres de recherche et/ou experts publics, ou son expertise propre, pour proposer une évaluation scientifique préalable aux auteurs des propositions de loi. ».

Une autre option permettrait au Parlement de commander « directement des évaluations préparatoires auprès d’organismes publics de recherche sur les impacts économiques, financiers, sociaux, environnementaux ou juridiques des textes[48] ».

Le travail des rapporteurs et des administrateurs seraient ainsi mieux outillés et aidés par un programme structuré d’auditions d’experts tout en veillant à ce que celles-ci soient intégralement publiques et de droit. « Une telle démarche ne limiterait pas la liberté d’initiative parlementaire et renforcerait la crédibilité et la solidité juridique des PPL. »[49]

  • Renforcer et étendre le rôle de l’ Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur les PPL. « Créé par la loi du 8 juillet 1983, cet office a reçu pour mission ­ d’informer le Parlement des conséquences des choix de caractère scientifique et technologique afin, notamment, d’éclairer ses décisions.

Ouvrir l’OPECST aux scientifiques pour en faire un lieu non seulement de brassage de compétences diverses et variées, mais également de rencontre entre parlementaires et experts serait un moyen efficace d’optimiser notre système d’évaluation par la mise à profit d’instances déjà existantes. »

Les citoyens veulent se nourrir sainement dans un espace vivable

Santé et environnement, nous l’avons vu, interrogent beaucoup les milieux scientifiques et les médecins. On peut, effectivement, se poser la question sur le rapport que nous mettons entre la santé et l’environnement.

C’est pour nous, une relation qui ne peut se disjoindre et Dominique Bidou[50] en explique les raisons dans son article «La santé au secours de l’écologie »[51] 

Comme il le précise dans son texte publié le 23 juillet 2025 sur sa page facebook, la colère sur la Loi Duplomb aura eu le mérite de remettre le thème de la santé et de l’environnement au cœur de la société française. C’est ici un point essentiel qui s’est traduit par une pétition de deux millions de signataires qui confirment que notre société doit avant tout assurer essentiellement son progrès au travers du bien-être de l’être humain, mais aussi de ce qui fait son milieu de vie (cadre de vie et ressources naturelles en bon état). C’est à l’économie et à l’innovation acceptable de s’adapter.

En termes d’écologie, Dominique Bidou résume la loi Duplomb par des atteintes au cycle de l’eau, une biodiversité mise à mal par les modes de culture, la destruction des équilibres physiques et biologiques des sols, … Il continue par une santé humaine fragilisée soit directement, par tous ceux qui utilisent ces fameux produits[52] ou qui sont proches des lieux d’utilisation, soit indirectement par les résidus qui persistent dans les aliments et les boissons, y compris l’eau, dont nous nous nourrissons.

Il continue son propos en indiquant que « Depuis 2004, les gouvernements successifs ont élaboré des plans santé-environnement ; nous savons que notre santé dépend pour les 3/4 de facteurs environnementaux, y compris notre alimentation. L’usage des produits permet des économies dans la production agricole, au dire de leurs utilisateurs, mais provoque aussi des dépenses considérables en matière de santé.

Le sentiment de révolte qui s’exprime dans la pétition contre la loi Duplomb est la conséquence de la prise de conscience des menaces qui pèsent sur notre santé.

Si l’auteur du texte reconnaît que les manifestations du monde agricole de 2024 avaient « bonne presse » parce que les conditions de vie de certains de ces professionnels s’exercent réellement dans un état précaire. La volonté d’une simplification abusive des exigences environnementales qui a amené à la Loi Duplomb était avant tout pour satisfaire les besoins de l’agriculture industrielle défendue par Messieurs Laurent Duplomb et Franck Ménonville, sénateurs auteurs de la loi du même nom.

Cette stratégie du moment  « reste stérile à tous les égards en sans lendemains » car comme le démontre Dominique Bidou « La question des revenus … s’inscrit dans un contexte dépendant de la répartition de la valeur ajoutée entre, d’une part les fournisseurs de l’agriculture, les industries agro-alimentaires, le commerce et les grandes centrales d’achat, et d’autre part les agriculteurs. Il y a aussi le contexte international, les aléas de la météo, le climat sur le long terme …  , et les apports de l’Europe vont pour l’essentiel aux grandes cultures et aux grandes exploitations. »

Bref, « grosse consommatrice d’eau douce, gros émetteur de gaz à effet de serre (20% des émissions en France, pour 2% de PIB), fortes inégalités entre les exploitants, fort taux de suicides, l’agriculture dite conventionnelle n’est pas exempte de critiques dont la Banque mondiale qui estime que ce modèle est dépassé, et qu’il faut en changer, dans l’esprit par des  solutions fondées sur la nature ». La transition coûte cher, mais « l’Europe, avec la PAC dispose d’un budget largement suffisant pour affronter ce défi. »

 Au-delà des interventions des scientifiques, médecins et autres experts de la santé, ce regard sur le rapprochement entre la santé et l’environnement est pour beaucoup une préoccupation qui amène dès le 4 février 2025, après une année d’interventions, 20 groupes mutualistes protégeant 6 millions de français à adresser  un texte[53] au Premier ministre et au Président de la République « signé par plus de 1 500 personnes (mutualistes, scientifiques, responsables politiques, d’entreprises, d’associations et de syndicats, agriculteurs, victimes de pesticides et de l’amiante, artistes, médecins et professionnels de santé) » dans lequel ils appellent à l’action en soulignant les erreurs passées concernant l’amiante pour ne pas les reproduire aujourd’hui avec les pesticides. Ils « insistent sur l’urgence sanitaire et environnementale, et en appelle à une transformation profonde du modèle agricole et une meilleure prise en charge des risques. »

Ils déclinent ainsi un certain nombre de constats :

Une gestion défaillante des 200 000 tonnes d’amiante toujours en place en France.

Des dégâts de la crise climatique et environnementale de plus en plus aigus, perceptibles et coûteux. 

  • Plus du tiers des émissions de gaz à effets de serre lié aux systèmes agricoles et alimentaires (source : Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture).
  • Le nombre de nouveaux cas de cancers, de maladies neuro-dégénératives et autres maladies chroniques ne faisant qu’augmenter, notamment à cause des pesticides disséminés dans l’environnement et ne faisant qu’augmenter la menace sur la viabilité de notre système de soins.
  • Une majorité de la profession agricole comme de la population générale[54] souhaite une transformation profonde du modèle agricole, que les connaissances agronomiques[55] rendent aujourd’hui possible.
  • 60 000 tonnes de pesticides sont épandues chaque année[56] sur les cultures en France, provoquant maladies professionnelles, pollution des sols, de l’eau[57], de l’alimentation[58] et imprégnation de la population[59], selon de nombreuses données scientifiques.
  • Il est anormal que des pesticides non autorisés en Europe et en France soient utilisés dans des pays tiers et que leurs résidus soient retrouvés dans les céréales, fruits, légumes, fleurs[60] exportés puis consommés en Europe et en France. 

Ils demandent de retirer de nos vies ces causes identifiées de maladies chroniques.

Pour la santé des agriculteurs et des riverains des champs traités, pour la santé publique, pour la biodiversité et pour limiter le réchauffement climatique, ils souhaitent créer un nouveau cap agricole.

De nombreuses mutuelles sont prêtes et veulent prendre leur part à faire changer d’échelle les solutions à l’instar de la mutuelle solidaire « Mutami »[61] qui agit pour dénoncer l’utilisation massive des pesticides et leurs conséquences sur la santé et l’environnement.

Pour ce faire les vingt groupes de mutualistes propose de mettre un nouveau cap agricole sur la base des propositions suivantes intégrant également deux propositions concernant le traitement de l’amiante :

  1. Mettre en œuvre le scénario INRAE pour une France et une Europe 100% agroécologique.
  2. Appliquer la loi EGALIM pour arriver aux 20% de bio minimum dans la restauration collective.
  3. Appliquer la loi – jamais correctement mise en œuvre – portant sur l’évaluation de la toxicité des pesticides(Nouvelle fenêtre) avant autorisation de mise sur le marché.
  4. Aligner le Fonds d’indemnisation des victimes des pesticides (FIVP) sur le Fonds d’Indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva), avec une indemnisation des riverains atteints de maladies liées aux pesticides. 
  5. Améliorer le suivi médical post-professionnel des travailleurs exposés à l’amiante.
  6. Appliquer la loi sur les diagnostics techniques amiante et créer une base de données répertoriant la présence d’amiante accessible au public via internet.

Alors que dire des articles de groupes marginaux qui, sous couvert d’un journalisme douteux et non argumenté, non référencé, remettent en cause les deux millions de citoyens qui ont signé la pétition de Eléonore Pattety, une jeune personne de 22 ans[62] ?

Que dire du relais qui a été donné par quelques parlementaires et autres personnalités publiques ?

S’agit-il vraiment de l’émotion qui fait perdre raison ? La toxicité de l’acétamipride est-elle vraiment cancérogène ? Oublie-t-on vraiment les bases de notre santé alimentaire ? S’agit-il d’un dérapage médiatique et politique alimenté par « raccourcis toujours plus faciles pour jouer sur des peurs (cancers), sans oublier (ne soyons pas naïfs) que certains partis extrémistes cultivent ce débat avec le sourire aux lèvres … Cet appel à « renverser » une loi votée démocratiquement (surprenante méthode) vise directement l’agriculture française et, de facto, notre autosuffisance alimentaire… Voyant passer le million de signataires, j’entends bien qu’il faille les écouter et avoir un nouveau débat mais qui ne doit pas occulter le choix du parlement qui a (même s’il n’est pas parfait) la légitimité démocratique… ». Ces propos ont été tenus sur un réseau social par une personnalité publique connue sur le territoire de la région des Hauts de France. Je tais ici son nom par déontologie de courtoisie et de respect de l’expression démocratique. Cela montre à quel point, je ne suis pas certain de la mesure qui avait été prise avant que le Conseil Constitutionnel intervienne. Quant à l’autosuffisance alimentaire, nous le verrons dans un autre chapitre, les solutions se trouvent très certainement ailleurs que dans les produits chimiques.

Bizarrement, on ne les entend plus !?

Puisse l’ensemble de cette contribution de plusieurs épisodes apporter aux auteurs un autre regard moins vindicatif, plus respectueux des citoyens qui montrent ici toute la responsabilité d’un regard sur l’avenir.

En effet, Monsieur Duplomb aura beau jeu de répéter que le nombre de signataires de la pétition « ne lui inspire pas grand-chose »[63], alors que celle-ci lancée le 10 juillet 2025 sous l’identifiant N°3014, atteignait 1 116 996 signatures le 20 juillet, soit seulement dix jours après la mise en ligne. Elle dépassait les deux millions le 28 juillet (2 040 689).

Au final, la pétition recueille 2 124 696 signatures au 17 août[64] pour terminer à 2 131 345 signataires sur le site officiel de l’Assemblée Nationale.

Pour certains, non seulement ce résultat n’inspire pas grand-chose, mais ils rejettent d’un revers de main un des modes de démocratie directe, à savoir le droit de pétition existant depuis la Révolution Française. Etait-ce bien raisonnable ?

En effet, devant l’Assemblée nationale, ce droit est défini par :

  • l’ordonnance du 17 novembre 1958 (article 4)[65] sur le fonctionnement des assemblées parlementaires ;
  • le Règlement de l’Assemblée nationale (articles 147 à 151)[66]. »

Depuis le 1er octobre 2020, date d’ouverture de la plateforme, il y a eu 1893 pétitions émises. Au 26 juin 2025, 372 pétitions sont ouvertes à la signature sur la plateforme de l’Assemblée Nationale.

On apprend, en ce début du mois de décembre 2025[67], qu’une décision vient d’être prise pour qu’un débat sans vote soit organisé le 7 janvier 2026 à l’Assemblée Nationale. Cela devrait permettre au Gouvernement et aux groupes politiques de s’exprimer.

Notons qu’à ce jour, aucune pétition n’a jamais été débattue à ce niveau depuis l’avènement de la Vème République.

Au regard de ce que dit l’universitaire Yann-Arzel Durelle-Marc[68] : « le droit de pétition permet « d’imposer une question ». « Sa fonction la plus fondamentale est de porter des sujets, plus encore que de peser sur les décisions« .

On peut donc dire que la pétition contre la loi Duplomb a su finalement imposer le débat démocratique sur une loi décidée en comité restreint.

Comment des personnes averties peuvent-elles ignorer l’existence de droit ?

Au-delà du regard parfois un peu simpliste des défenseurs de la loi Duplomb et à l’encontre des citoyens qui se montrent réticents, il est bien évident que  l’on ne peut accepter les menaces, les intimidations et les campagnes de dénigrements, tant à l’Assemblée Nationale que dans les territoires ou encore par réseaux sociaux interposés. Cela vaut à l’encontre des extrémistes de tous poils, y compris parmi les agriculteurs, les écologistes radicaux, voire même certaines et certains parlementaires à l’égard des citoyens. Notre République, notre Démocratie doivent se défendre à chaque instant de ces actes irrespectueux et parfois dangereux.

Que dire des différentes manifestations qui s’organisent systématiquement autour de brûlages de pneus dans les ronds-points entraînant pollution atmosphérique, destruction des voies de circulation et bien évidemment blocage de l’activité économique du territoire concerné.

Que dire de Bertrand Venteau le tout nouveau président du syndicat Coordination Rurale qui annonce le jour de son investiture  » Les écolos, nous devons leur faire la peau ».

Représenter un syndicat professionnel, haranguer les foules, profiter d’une tribune n’autorise pas l’appel au meurtre.

Le danger pour nos agriculteurs, ce ne sont pas les règles à respecter que l’on peut toujours amender. Ce sont ces drôles de représentants qui poussent au crime, qui détruisent les bâtiments publics ou les infrastructures routières, …

Notre République n’est pas une zone de non droit où gouvernent les pires crapules adeptes du coup de poing, des menaces et des intimidations. Monsieur Venteau mérite des sanctions très sévères.

La violence n’a jamais été le terreau de l’Avenir. L’acquis qui en est issu n’est qu’éphémère et le mal qui en résulte devient souvent permanent. Voici ce que disait dans un de ses écrits Gandhi.

Alain Dubois

Président des Acteurs Régionaux

du Développement Durable

www.ardd.eu


[1] Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail)

[2] Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail)

[3] Décret n° 2010-719 du 28 juin 2010 relatif à l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

[4] Le 1er juillet 2020 l’ANSES fête ses 10 ans

[5]Missions de l’AFSSA

[6] Décret n° 2006-676 du 8 juin 2006 relatif à l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail et modifiant le code de la santé publique (dispositions réglementaires)

[7] ANSES – Nous connaître – Au cœur de nos missions – 06/10/2025

[8] Autorisation des AMM : Loi du 13 octobre 2014, dite loi d’avenir pour l’agriculture, a désigné l’Anses comme l’autorité compétente nationale pour la délivrance des AMM

[9] Registre des AMM des produits phytopharmaceutiques et des matières fertilisantes et supports de culture

[10] ANSES – La phytopharmacovigilance – 15/10/2025

[11] Office fédéral du développement territorial ARE – Rapport Brundtland : « Notre Avenir à Tous » – 1987

[12] Feuille de route de la France pour l’Agenda 2030

[13] Béatrice Parance – Quelle appréhension des sujets de santé environnementale par le système juridique ? – Publications Conseil Constitutionnel N°11 – Octobre 2023

[14] Audition de m. Stéphane le foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt et discussion générale – Rapport Fait Au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (n° 1548)

[15] Laurence Colonna-Cesari – Linkedin

[16] La pétition « Non à la Loi Duplomb — Pour la santé, la sécurité, l’intelligence collective. » a obtenu 2 130 822 signatures au 17 septembre 2025, date à laquelle la commission des Affaires Economiques de l’Assemblée National s’est prononcée sur celle-ci.

[17] Voie réglementaire : qu’est-ce que le pouvoir réglementaire ?

[18] Décret n° 2025-629 du 8 juillet 2025 portant diverses dispositions relatives à l’autorisation des produits phytopharmaceutiques

[19] Article R253-5-1 du code rural et de la pêche

[20] Mathilde Nuratelli – Public Senat – Pesticides : un décret met le feu aux poudres, les oppositions accusent l’exécutif de « mise sous tutelle » de l’Anses – 22 juillet 2025

[21] Corinne Lepage – La Lettre du Droit de l’Environnement N°12 de juillet 2025 – Quand trop, c’est trop…

[22] Ministère de l’Agriculture – 15 mai 2025 : https://agriculture.gouv.fr/projet-de-decret-relatif-aux-missions-exercees-par-lanses-pour-les-autorisations-prealables-la-mise

[23] Dossier législatif sur le projet de loi «Lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » 

[24] France Inter – Grand Entretien du 20 novembre 2025

[25] Arnaud Gossement

[26] Gossement Avocats – 12 juillet 2025 :  Pesticides : le Gouvernement réduit l’indépendance de l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES – décret n° 2025-629 du 8 juillet 2025)

[27] Corinne Lepage

[28] Association « Agir pour l’Environnement »

[29] Agir pour l’environnement saisit le Conseil d’État pour garantir l’indépendance de l’ANSES

[30] Recours devant le Conseil d’État contre le décret n° 2025-629

[31] Ibid. ANSES

[32] Alain Dubois – Valeurs Républicaines – Le Conseil Constitutionnel fait référence à La Charte de l’Environnement. Quelle drôle d’idée ! – 19 08 2025

[33] Marc-André Selosse – Biologiste – Sève le Média – Septembre 2025 : https://www.instagram.com/reel/DN1ElM2xK5Z/

[34] Médecins et scientifiques alertent sur les dangers de la proposition de loi Duplomb et demandent un renforcement de l’expertise indépendante sur les pesticides

[35] Lettre ouverte à Mesdames et Messieurs les Ministres de la Santé, de l’Agriculture, du Travail

et de l’Environnement. – 14 04 2025

[36] https://alerte-medecins-pesticides.fr/

[37] L’Environnement et la Maladie : Association ou Causalité ? Actes de la Société Royale de Médecine. Section Médecine du travail. Meeting du 14 janvier 1965, Sir Austin Bradford Hill Professeur émérite de Statistiques Médicales, Université de Londres Dufour, Olivier (traducteur anglais-français)conseilsdrdufour@gmail.com

National Library of Medecine, Austin Bradford Hill, L’environnement et la maladie : association ou causalité ?, 1965

[38] « Le Conseil constitutionnel doit censurer la loi Duplomb au nom du principe de précaution »

[39] Parmi les signataires, on y trouve : Parmi eux : Fleur Breteau, fondatrice du collectif Cancer Colère, Magali Leo, coordinatrice d’Action Patients, Agnès Linglart, présidente de la Société française de pédiatrie, Maxime Molina, président du directoire de la Fondation pour la recherche médicale, Olivier Coutard, président du conseil scientifique du CNRS ou Gérard Socié, président du conseil scientifique de l’Institut national du cancer.

[40] France 24 – Loi Duplomb : le Conseil constitutionnel interpellé par les scientifiques – 29 juillet 2025

[41] Jean-Paul Oury, Jean-Philippe Vuillez, « Ne confondons pas pétition de scientifiques et méthode scientifique ! », Le Point, 10 septembre 2025

[42] Le Cnom affirme la place du médecin au cœur des enjeux de santé environnementale, 30 juillet 2025

[43] Agnès Buzyn Et Mélanie Heard – Mieux garantir la place de la science dans l’écriture de la loi – Haut-Commissariat à la stratégie et au plan/La Collection du Plan –22 octobre 2025

[44] Agnès Buzyn : Professeur d’Hématologie à l’Université Paris-Sorbonne – Présidente de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) (2008) – Présidente de l’Institut National du Cancer (INCa) et nommée Présidente du Collège de la Haute Autorité de Santé (HAS) (2011) – Ministre des Solidarités et de la Santé (2017-2020) –  Envoyée spéciale pour les affaires multilatérales avec rang de diplomate à l’OMS (2021) –  Conseiller Maitre en Service Extraordinaire à la Cour des Comptes (2022). Elle siège aujourd’hui dans divers conseils d’administrations d’ONG ou d’associations dont le think tank Evidences qu’elle co-préside avec Mélanie Heard.

[45] Mélanie Heard : École Normale Supérieure en philosophie – Doctorat à Sciences-Po Paris portant sur les arbitrages entre libertés individuelles et bien commun en situation d’épidémie – Conseillère à la Haute Autorité de Santé et à l’Agence Régionale de Santé Île-de-France – Membre du  cabinet de Marisol Touraine (Stratégie Nationale de Santé et à la loi de modernisation du système de santé de 2016. Direction de l’Institut pour la Démocratie en Santé – Direction de la division santé du think tank Terra Nova et publication des analyses sur les politiques de santé publique, la pandémie de COVID-19 et les réformes du système de santé.

[46] Assemblée nationale (oct. 2014), Rapport d’information fait en application de l’article 145 du Règlement au nom de la mission d’information sur la simplification législative.

[47] Ibid

[48] Ibid.

[49] Ibid.

[50] Présentation de Dominique Bidou : donner l’envie du développement durable

[51] Dominique Bidou – La santé au secours de l’écologie – 23 juillet 2025

[52] Voir « paragraphe « Médecins, scientifiques, même combat ! »

[53] Mutualistes, scientifiques, associations, médecins… Ils appellent à « un nouveau cap agricole » pour ne pas répéter avec les pesticides « les mêmes fautes qu’avec l’amiante » – France Info – 04 02 2025

[54]  Sondage européen exclusif sur les pesticides de 5 octobre 2023

[55] INRAE – Une agriculture européenne sans pesticides en 2050 ? – 27 mars 2023

[56] INRAE – Biodiversité et services rendus par la nature : que sait-on de l’impact des pesticides ? – 16 mai 2022

[57] INRAE – Impacts des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services écosystémiques : résultats de l’expertise scientifique collective INRAE-Ifremer – 5 mai 2022

[58] INRAE – Persistance des résidus de pesticides dans les sols : intérêt d’une surveillance nationale – 24 mai 2023

[59] INSERN – Pesticides et effets sur la santé (nouvelles données) – 2021

[60] Générations Futures – Nouveau rapport de Générations Futures sur les résidus de pesticides dans les aliments végétaux non bio vendus en France – 17 décembre 2024

[61] Engagement Mutami

[62] Non à la Loi Duplomb — Pour la santé, la sécurité, l’intelligence collective.

[63] Le Journal du Centre – TD – Pétition contre la loi Duplomb : « Il y aura un débat à l’Assemblée pour dire ce qu’on a dit pendant 6 mois », déplore l’élu – 20 juillet 2025

[64] Pierre Breteau et Adel Miliani – Le Monde – Loi Duplomb : combien de personnes ont signé la pétition, et peut-elle réellement influencer le gouvernement ? – 21 juillet 2025 – L’évolution des signatures depuis le 10 juillet 2025

[65] Ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

[66] Règlement de l’Assemblée nationale – Titre III – Chapitre VIII – Page 114

[67] Ouest France – 02 décembre 2025 – (source parlementaire) – La pétition contre la loi Duplomb, qui avait réuni deux millions de signatures, sera examinée à l’Assemblée le 7 janvier

[68] Propos cité par le site officiel « Vie Publique – Au cœur du débat public » sur la présentation du droit à pétition

Yann-Arzel Durelle-Marc ( www.pantheonsorbonne.fr) est Maître de conférences en Histoire du droit et des institutions. Il est Directeur EDS-Formation-IED : Institut d’études à distance de l’école de droit de la Sorbonne

Loi Duplomb – Episode 4 : L’ANSES  – Le respect scientifique – une pétition à 2 millions de signataires

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